Cossé-le-Vivien

24, rue des Trois-Marchands
Je n'ai jamais aimé personne. Ce que j'ai le plus aimé, ce sont mes sensations — états de visualité consciente, impression d'une ouïe en alerte, parfums qui sont un moyen, pour l'humilité du monde extérieur, de s'adresser à moi, de me parler du passé (si aisé à se rappeler par les odeurs), c'est-à-dire de me donner plus de réalité, plus d'émotion, que le simple pain en train de cuire, tout au fond de la vieille boulangerie, comme par ce lointain après-midi où je revenais de l'enterrement d'un oncle qui m'avait beaucoup aimé, et où j'éprouvais la douceur d'un vague soulagement, je ne sais trop de quoi.Fernando Pessoa, "Le Livre de l'intranquillité", 1982, traduit du portugais par Françoise Laye, éd. Christian Bourgois, 1988, cité par babelio.com